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Louise Erdrich : Le jeu des ombres

Le jeu des ombres de Louise Erdrich   3,5/5 (03-10-2012)


Le jeu des ombres (253 pages) est disponible depuis le 3 septembre 2012 dans la collection Terres d'Amérique de chez Albin Michel.

 


L’histoire (éditeur) :


Quand Irène America découvre que son mari, Gil, lit son journal intime, elle en commence un autre qu’elle met en lieu sûr. C’est dans ce nouveau carnet qu’elle livre sa vérité sur son mariage et sur sa vie tandis qu’elle utilise l’ancien pour se venger de son mari et s’amuser à ses dépens. Gil est devenu un artiste célèbre en peignant le portrait d’Irène sous de nombreuses formes, et il réalise que la peur de la perdre le contraint à se dépasser. Irène termine sa thèse sur George Catlin, le peintre des Indiens, qui a sillonné l’Ouest américain au début du XIXe siècle. Tandis qu’ils tentent de maintenir les apparences pour leurs trois enfants, leur foyer devient un endroit de plus en plus violent et secret. Irène décide de mettre fin à son mariage et à une relation de dépendance étrange et ironique, plutôt que de céder à l’autodestruction.
Alternant entre les deux journaux intimes d’Irène et un récit à la troisième personne, Louise Erdrich explore la nature complexe de l’amour, les lignes fluides de l’identité et le combat d’une famille pour sa survie.

 

 

Mon avis :

 

Je suis ravie d’avoir lu mon premier Louise Erdrich, auteure américaine dont j’avais entendu beaucoup de bien, considérée comme l’une des plus grande voix de la littérature américaine contemporaine. Je remercie infiniment les éditions Albin Michel de m’avoir donné l’opportunité de lire son dernier roman traduit. Mon ressenti : Le jeu des ombres est un roman qui m’a dérangée autant par son style que par son sujet, mais que je suis loin d'avoir détesté.

 

Commençons par le fond. Irène découvre (juste avec un infime mot lors d’une conversation familiale) que son mari lit son journal intime. A partir de là, elle décide d’en ouvrir un second (couverture bleue) et de le consigner secrètement dans un coffre à la banque tout en continuant à rédiger son journal rouge sans changer ses habitudes, juste en y écrivant tout ce qui pourrait faire souffrir son mari, des liaisons avec le premier venu, une fausse vérité sur leurs enfants… Par vengeance ? Pas simplement, car cela fait des années que le couple ne fonctionne plus, qu’Irène n’aime plus Gil  et qu’ils se déchirent devant leurs trois enfants. En le manipulant avec son vrai-faux carnet rouge, elle espère ainsi le conduire à la laisser partir avec les enfants.

Au fil des paragraphes, alternant le journal rouge et le journal bleu, on apprend à connaître les personnages, on découvre à quel point la haine d’Irène est féroce, la vraie personnalité de Gil, son amour ou plutôt sa dépendance pour son épouse, comment les enfants vivent ce déchirement perpétuel…

 

Dire que Le jeu des ombres est un récit étrange ou surprenant n’est pas assez fort. Il est plutôt dérangeant, très intime, vrai, loin des romans plus traditionnels traitant également de la rupture. Bien qu’essayant (en apparence seulement) de sauver leur relation, il n’y en ressort rien de positif. Irène est alcoolique, Gil est un artiste qui a tout (l’argent, la renommée, l’inspiration, une famille) mais qui n’arrive pas à posséder sa femme. La haine, la jalousie, la colère, la dépendance, le dégout sont présents tout du long et vont crescendo jusqu’à la fin, jusqu’à la tragédie

Et les enfants dans tout ça ? Traumatisés et loin d’être de simples témoins, ils ne sont pas épargnés. Florian 13 ans, Riel 11 ans et Stoney 6 ans font face à un père parfois violent qui essaye d’acheter leur amour par des cadeaux hors de prix et à une mère incapable de lâcher son verre de vin.

 

J’ai particulièrement aimé le choix des origines des personnages : amérindiennes. La filiation, le poids des origines et les liens familiaux sont particulièrement présents dans le récit.

 

Pour la forme, il y a beaucoup d’éléments extérieurs (littéraires, artistiques, historiques) qui sont certes intéressants mais qui apportent de la longueur à l’intrigue. La construction au niveau des dialogues (sans tiret ni guillemet annonçant la prise de parole) est assez déstabilisante mais je me suis rapidement faite. L’auteure a choisi d’utiliser une narration omnisciente tantôt portée sur Irène, tantôt sur Gil (et parfois sur les enfants) apportant une vision globale des relations entre les membres la famille. Le nom du narrateur est révélé en toute fin du roman et donne au lecteur à réfléchir différemment sur ce qu’il vient de lire. Cette narration décrit avec intensité, sans poésie, juste avec un réalisme gênant, comment l’amour laisse la place à la haine.

 

Il m’a été bien difficile de dire si j’avais aimé ou pas Le jeu des ombres. Les émotions (très négatives) sont très présentes et c’est ce qui ressort le plus de ma lecture. Il m’a touché c’est certain mais le mal-être d’Irène et enfin des enfants m’ont mis particulièrement mal à l’aise.

 

 

"Irène ne supportait pas qu'un simple écart compte, elle avait tout bonnement écarté la vérité. L'histoire, c'est deux choses, après tout. Pour qu'elle ait un sens, l'histoire doit se composer à la fois de l'événement et du récit. Si elle ne racontait jamais rien, s'il ne racontait jamais rien, s'ils n'en parlaient jamais entre eux, s'il n'y avait pas de récit. Et l'acte, même s'il avait eu lieu, était ainsi dénué de sens." page 108

"Je suis folle de rage contre toi, maman, mais tout de même : tu m'as confié la narration." page 252

 

 

 




03/10/2012
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